Rencontre avec Patrick Kalita
Le Moulin Fort de Chisseaux, situé sur une île du Cher, a été construit au XVIe siècle par Adam de Hodon XVI après de nombreuses négociations avec la corporation des marchands de la Loire et de ses affluents. Acheté par Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II durant 20 ans, elle le réunit à sa châtellenie de Chenonceau en 1556. Il est récupéré par Catherine de Médicis en 1560 à la mort du roi. Comme son nom l’indique il s’agit d’un moulin à eau banal fortifié, avec ses éléments de défense : machicoulis, archères, tours…
Près de là se trouve l’écluse de Chisseaux avec son barrage à aiguilles. Dernier détail, Chisseaux se trouve juste à côté de Chenonceau dont on peut apercevoir la tour de Marques si l’on suit le chemin de halage du Cher. Pour la petite histoire, le premier château de Chenonceau était aussi accolé l’origine à un moulin fortifié dont les premières arches ont servi pour bâtir le célèbre pont-galerie du château actuel.
Pour en revenir au moulin fortifié de Chisseaux, c’est en 1825, à l’apogée de l’activité de tannerie en Touraine, qu’il devient moulin à tan après de nombreuses transformations. En 1840, à la suite de la « canalisation » du Cher, la tannerie est démantelée et sa roue pendante enlevée. Le pont de la rive droite est supprimé. On rejoint l’ile en bateau plat tracté par une poulie accrochée à un câble traversant la rivière. Le site sera laissé à l’abandon jusqu’à sa reconstruction par la famille Dupin à la fin du XIXe, où il sera relié de nouveau à la rive droite par un pont. Finalement il est complétement restauré vers 1920 par la famille Menier, propriétaire du château de Chenonceau. Depuis, différents propriétaires ont poursuivi la réhabilitation en résidence, assurant la sauvegarde d’un patrimoine pour le moins spécifique.
Aujourd’hui le moulin Fort de Chisseaux, véritable bijou architectural, peut à première vue ressembler à un manoir de la vallée de la Loire ; seules les arches trahissent sa vraie fonction d’origine, un moulin fortifié.
2015 – Derniers travaux. Ceux-ci furent confiés à Patrick Kalita par les actuels propriétaires arrivés il y a 2 ans, qui avaient décidé d’en faire leur résidence principale. Comme Patrick Kalita nous le raconte, la gestion de ce chantier ne fut pas une « mince » affaire, compte-tenu de la situation du moulin construit sur une île du Cher, cours d’eau soumis à de forts courants ainsi qu’à de brutales variations de niveau.
« J’ai dû tout d’abord mettre en place, sur un plan logistique, tout un dispositif spécifique, à commencer par l’approvisionnement des matériaux réalisé à l’aide d’une barge. Plus de 400 tonnes de matériaux ont ainsi transité sur le Cher, des pierres de taille au sable en passant par l’outillage nécessaire à l’exécution des travaux… Après quoi je me suis organisé ‘’sur place’’ pour procéder à la réalisation ‘’technique’’ des travaux dont le changement des pierres de la voûte où se trouvait la roue du moulin et ce à l’aide d’une simple barque, attachée dans le courant. Les bases de cette voûte ont été rénovées par des changements de pierre et un rejointement de l’ensemble des pierres réalisé quand le niveau d’eau du Cher nous le permettait. Cela était en effet une véritable course contre la montre, le niveau du Cher pouvant monter de 1 mètre en une nuit, d’où la difficulté de planifier une intervention. J’ai ensuite procédé à l’édification de murs de soutènement en pierre sur les rives du Moulin afin d’éviter l’érosion des berges et partant le maintien de ce Patrimoine ancien. ». « Pour terminer et afin de symboliser l’acquisition de cette demeure par Diane de Poitiers en 1556, je proposai à mon client de sculpter dans une très belle pierre d’origine de la façade qui avait dû être gravée dans les temps anciens, le monogramme de Diane de Poitiers, soit 2 D enlacés, avec 2 plumes. Une fois le projet accepté, j’ai dessiné la sculpture directement sur la pierre, traversant régulièrement le Cher et regardant avec mes jumelles l’harmonie de l’ensemble. Après, il n’y avait plus qu’à… plus qu’à prendre les ciseaux pour sculpter la belle pierre blanche sur une profondeur de 15 cm. ‘’Pour moi c’est vraiment un plaisir, je suis même venu sur mes temps de week-end, cela ne me gênait pas du tout. ». Si l’ancien moulin fortifié reste une propriété privée, on peut toutefois l’admirer depuis la rive droite du Cher, quelques centaines de mètres avant l’écluse de Chisseaux, et apercevoir la sculpture en façade.