Le patrimoine des moulins de l’Ain

Les moulins restaurés et le tourisme

Moulins de Bresse : Le moulin de Bruno à Jayat-Foissiat, à cheval sur 2 communes, Jayat et Foissiat, doit son nom au créateur de l’ordre des Chartreux avant l’an 1000, saint Bruno. La Chartreuse de Montmerle fit construire des moulins; il existe encore un vestige du pont portant les armoiries des Chartreux. Après la Révolution, le moulin fut vendu comme Bien national. Il était équipé de plusieurs roues à aubes jusque vers 1850-1860, où une turbine Fontaine à clapets de 12 ch. prit leur place. En 1908, le moulin fut transformé en usine électrique, avec un réseau de distribution dans les 15 km alentour. Après la Première Guerre, le bâtiment vendu aux enchères redevint moulin à farine en 1925. Deux nouvelles turbines Francis furent installées. La famille Darniot acheta la propriété en 1969, afin de développer sa production d’aliments du bétail en granulés, donc on réalisa des aménagements nouveaux. Les turbines s’endormirent… et les années s’écoulèrent. L’entreprise cessa ses activités en 2000.

Quelques années plus tard, les travaux de réhabilitation commencèrent en vue de la mise en valeur de ce patrimoine. En 2013, la rénovation du moulin est récompensée par le label de la Fondation du Patrimoine. La société Allytech est chargée de la conception d’une installation qui équipera les 2 turbines Francis. La production a démarré début 2014.

 

Le moulin de Veyriat. Ce moulin sur la Reyssouze est situé en aval du moulin de Bruno, à Lescheroux. Avant 1789, ce moulin comme celui de Bruno, ainsi que 3 autres, appartenait à la Chartreuse de Montmerle, l’une des 8 chartreuses de l’Ain. On ne connaît pas la date exacte de sa construction mais au cours de la Révolution, il fut comme la chartreuse vendu comme Bien national, le 9 avril 1791, pour 52 000 livres. C’était alors un moulin à 2 tournants avec pressoir à huile et battoir à chanvre qui était affermé à des meuniers fermiers.

En 1848, il a été transformé en moulin à farine moderne. Pour cela il a été entièrement reconstruit et les roues de dessous, roues à aubes de 4 mètres de diamètre, ont été remplacées par une turbine Fontaine à clapets en 1850. Le bâtiment fut édifié en brique et en pierres avec des fenêtres voûtées dans le style des usines de l’époque. Il est ancré sur des pilotis de bois fichés dans la rivière.

Les bâtiments ont été entièrement détruits par un incendie en octobre 1907. Les ruines ont été achetées en 1922 par Léon Comas, le grand-père du propriétaire actuel et, depuis, il appartient à la famille Comas.

Le moulin s’est arrêté de tourner le 15 octobre 1970. Lorsque Jean-Paul Comas en a hérité en 1980, il a commencé à le restaurer. Aujourd’hui, le moulin qui produit sa propre électricité est devenu musée, à l’image de la passion de Jean-Paul Comas pour la mécanique

 

En Val de Saône : le moulin Crozet. Ce moulin sur la Calonne, petite rivière de l’ouest de la Dombes, affluent de la Saône, est depuis 1996 la propriété de M. et Mme Martin, qui l’ont restauré de manière exemplaire. Situé à l’écart du village de Montceaux, en terrain presque plat, au milieu des champs et près des bois qui bordent la rivière, c’est l’image même des petits moulins campagnards. Le site comprend 3 bâtiments en pierre et pisé typiques du Val de Saône : le moulin, l’habitation et la ferme (grange et étables).

Les moulins jumeaux de Tallard. Ce moulin est remarquable, à la fois par son architecture, ses installations, conservées en état de marche, et par la disposition des bâtiments : il s’agit d’un rare exemple de moulin double, dont les 2 parties sont construites de manière symétrique de part et d’autre du canal. Rareté également, il a conservé ses 6 roues à augets dont 2 tournent encore aujourd’hui. M. et Mme Piron, propriétaires du bâtiment situé en rive gauche du canal, ont eu à cœur de restaurer avec passion ce patrimoine hors du commun.

Si le moulin s’est arrêté en 1939, c’est le descendant d’une longue lignée de meuniers des Echudes qui a entrepris de le faire revivre : à ce titre, Pierre Piron cite sans peine les membres de sa famille actifs au cours du XXe siècle ; l’un d’eux a été président du syndicat de la meunerie de l’Ain dans les années d’après-guerre. Que l’on soit ou non amateur, on ne peut que rester confondu devant cet ensemble intact, préservé dans sa vétusté, rare y compris parmi les moulins encore complets.

Moulins du Bugey. Le moulin de l’Abergement-de-Varey. Ce moulin typique du Bugey est situé au pied du village, dont le nom rappelle la concession de terres à titre emphytéotique par les seigneurs, appelée « abergement » dans notre région. Le moulin est mû par une dérivation d’un ruisseau, l’Oiselon, affluent de l’Ain en rive gauche ; une retenue d’eau permettait d’alimenter ses 2 roues à augets en utilisant au mieux le faible débit du cours d’eau. L’origine de ce moulin est sans doute médiévale, lorsqu’il dépendait de la seigneurie de Varey, dont le château restauré existe encore à l’entrée de la vallée. Le bâtiment en belles pierres du Bugey a conservé intact tout son équipement antérieur aux modernisations du XXe siècle. Tout était prêt à fonctionner. Le moulin est inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques et les premières ouvertures au public, qui se sont enchaînées depuis juin 2014, ont été couronnées de succès.

Le moulin de Torcieu. La création de ce moulin sur l’Albarine dans un village proche d’Ambérieu-en-Bugey remonterait à la fin de la Révolution. Son premier meunier a été Joseph Gudet (1770-1834). Le directeur de l’usine textile de Vareilles a acquis par la suite la propriété. C’est en 1927 que la famille Drevet, de Montcet, en Bresse, est venue s’établir à Torcieu et a acquis le moulin. Au décès de son père, en 1942, René Drevet, qui en a été le dernier meunier, a pris la relève. Engagé dans la Résistance, il a été arrêté en 1943 et interné à l’Ile de Ré en 1944. Après son retour et des années de rétablissement, M. Drevet a modernisé le moulin vers 1960, remplaçant les anciennes roues à augets par une turbine Francis en chambre d’eau et faisant installer de nouveaux équipements de meunerie. Il fournissait des boulangeries dans un rayon de 50 km, se déplaçant jusqu’à Nantua ou en Dombes. Aidé par son épouse, estimé de ses clients, il a fait fonctionner le moulin jusqu’à sa retraite, en 1982.

Le moulin, à l’arrêt, a conservé tous ses équipements de meunerie. Depuis 2013, la famille Drevet, aidée par un groupe d’adhérents de l’AMA, en lien avec l’Office du tourisme de Saint-Rambert-en-Bugey, organise des visites lors des Journées des Moulins, afin de transmettre la mémoire de ce lieu chargé d’histoire.

Patrimoine du Pays de Gex . A Divonne-les-Bains, le moulin David a été l’une des premières centrales hydroélectriques. Sur la Divonne (la « divine »), ont fonctionné plusieurs moulins depuis le Moyen âge. Le site du moulin David a connu diverses activités des temps anciens au XIXe siècle : martinet à fer, papeterie, taillerie de diamant, avant d’être équipé de turbines et de génératrices à courant continu en 1887 afin de fournir le courant d’éclairage aux Grands Hôtels et aux Thermes. L’usine a connu une soixantaine d’années de pleine utilisation, jusqu’à la création d’EDF ; elle était restée jusqu’en 1991 l’installation de secours pour l’éclairage du Casino. La chance et les choix des décideurs locaux – les bâtiments sont propriété communale depuis 1994.

Depuis une douzaine d’années, l’association Divonnelectro a pris en charge la remise en état des équipements. L’aspect de la vaste salle des machines, que l’on découvre depuis un espace surélevé, est impressionnant. L’association, membre de l’AMA 01 depuis 2015, comprend des bénévoles spécialistes de l’électricité et de son histoire, dont certains ont travaillé au CERN. Elle déploie une grande activité auprès du public et des scolaires, organisant toute l’année des visites en lien avec l’office du tourisme. Son site Internet : www.divonnelectro.org comporte de nombreuses pages et plusieurs vidéos.

 

La scierie Rosset à Thoiry (Pays de Gex). La famille Rosset est propriétaire du site depuis plusieurs générations. On sait qu’en ces lieux, un moulin, avant la Révolution, était la propriété des comtes d’Allemogne. La scierie est établie sur l’Allemogne, très courte rivière issue d’une résurgence du pied du Jura et sous-affluent du Rhône en rive droite à quelques kilomètres de Genève. Il a existé 5 autres usines hydrauliques sur son cours. La prise d’eau, originale, est caractéristique des sites de résurgence : un seuil sur la rivière alimente un vaste bassin de retenue qui reçoit également l’eau de sources abondantes et pures, étudiées au XIXe siècle en vue de l’installation d’un établissement thermal qui ne verra pas le jour à Thoiry

La scierie, détruite par un incendie en 1883, fut immédiatement reconstruite. Au début du XXe siècle, une turbine a été installée pour entraîner la scie, mais également un moulin à farine qui était situé à quelques dizaines de mètres, au bord de la route (Moulins Coopératifs des Blés du Pays de Gex, à Chevry) et qui a disparu. La scierie a été agrandie entre les deux guerres, afin d’abriter le tronçonnage des grumes et un atelier de menuiserie où étaient fabriquées des caisses d’emballage pour les primeurs. La scie a cessé son activité dans les années 1950. M. Rosset, descendant de ‘ générations de scieurs, a depuis une dizaine d’années pris en charge la restauration de ce patrimoine et sa mise en valeur par des visites guidées.