Le moulin de Piis à Bassanne, est situé sur l’ancien lit de la Bassanne (il y existe un second lit plus récent), dans la zone marécageuse des « Jetins » près de la rive gauche de la Garonne.
En face, rive droite, se trouve à la rupture de la basse plaine, le village antique de Gironde sur Dropt. Près de l’église se trouvait au Moyen Âge une motte féodale: » le Château », cité en 1242, 1253, … Un très ancien chemin protohistorique longeait le Dropt depuis le Périgord; il aboutissait à la Garonne où par bac on arrivait en face, au moulin de Piis, placé en motte. Fort probablement Piis comme beaucoup de moulins en pierre a été précédé d’un moulin en bois. Juché sur sa motte il était protégé, entouré de douves et fortifié de palis et remparts en bois.
Donc, face à face, deux mottes féodales protégeaient de chaque côté le passage sur la Garonne ce qui expliquerait alors la genèse de cet ancien moulin fortifié.
Aujourd’hui, motte et moulin sont encaissés dans la basse plaine. Les douves qui servaient aussi aux biefs d’amenée et de sortie d’eau sont envasées, tout comme le premier niveau du moulin qui aux XIIe et XIIe siècles était hors d’eau. Il faut imaginer que la plaine s’est élevée d’au moins trois mètres d’épaisseur d’alluvions. Autrefois perché sur sa motte, le moulin fortifié de surcroît, se détachait de la plaine comme une petite maison forte, sentinelle vigilante où, passants, voyageurs et pèlerins de Compostelle pouvaient se réfugier et acheter un petit sac de farine. Des ferblantiers et camelots y vendaient des médailles de pèlerinage.
Les pèlerins qui longeaient le Dropt pouvaient prendre la voie de Vézelay à Coutures sur Dropt ou bien ils continuaient jusqu’à Gironde sur Dropt ( Gironda villa nova), pour traverser la Garonne et rejoindre la voie de Vézelay à Pondaurant via l’église Saint Martin de Momphélix . La femme d’un pèlerin y meurt en couches, son corps et celui de son enfant sont inhumés dans l’église de Bassanne (XVe S).
Sa construction correspond aux dimensions classiques de moulins fortifiés comparables sur le Dropt. Le plan est un rectangle régulier, (1,5 x le carré); au dessus des roues et passages d’eau.
Le 2° niveau est occupé par les meules à grain, les bluteries et autres machines. Le 3° niveau abritait le logis, également celui des gens de passage et hommes d’arme. Au dernier niveau étaient stockés le grain et la farine. La fortification soignée de Piis est sans équivoque. Une bretèche défend la porte d’accès, des latrines construites en encorbellement sur l’angle Est pouvaient servir de tourelles de défense, les meurtrières cruciformes ne laissent aucun doute sur sa fortification fin XIIIe s ou XIVe s. Comme à Bagas, Bassanne de Blasimon, Loubens, Labarthe, Cavignas et bien d’autres, le moulin de Piis avait à son sommet un chemin de ronde couronné de mâchicoulis en crénelé avec des gargouilles qui chassaient les eaux de pluie de sa haute toiture rentrante. Mais la particularité du système défensif doit son originalité à une grosse tour carrée placée à l’angle nord, face au danger le plus redouté : celui qui arrivait de la Garonne. Bâtie en encorbellement sur un pied carré plein, l’accès à la tour depuis le premier étage donne sur des archères bien dégagées qui battent sur trois directions. Cette tour, unique en Gironde, aurait été construite après coup… Début de la guerre de Cent Ans (?). Elle a été dessinée en 1860 par Léo DROUYN pour la commission des monuments historiques. Le moulin avait un pigeonnier, éloigné de celui-ci. En 1659 il aura droit à un four banal et un jardin. Le relèvement des niveaux d’eau dû à l’envasement a obligé les meuniers à modifier le niveau des machines à pales en dessous (verticales) qui ont été remplacées par une roue à godet (horizontale). Guillaume Raymond descendant de la famille de Pins ou Piis, l’une des plus anciennes et des plus honorables de la région, acheta les terres de Bassanne -Puybarban, en 1234, elle possédait le moulin et le château de Puy Barban ( podium barbarum ). Le moulin avec le domaine de Bassanne, 122 journaux (46 hectares), est vendu comme bien national. Son propriétaire Charles Antoine, marquis de Piis, seigneur de Puybarban -Bassanne … grand sénéchal et gouverneur du Bazadais, nommé député de la Noblesse aux Etats Généraux sera guillotiné ainsi que sa sur, la comtesse de Marcellus. Il y existe encore de nos jours des descendants de cette illustre famille. Au XVIe siècle la famille de Piis après avoir traversé la Guerre de Cent Ans, possède toujours le moulin et la seigneurie de Puybarban – Bassanne avec le logis seigneurial de la paroisse que tient Jean de Piis et a conservé ce dernier, fait exceptionnel, jusqu’en 1828.
Le moulin a été désaffecté vers 1930 par son dernier meunier Ferdinand Castaing . Le logis occupé par des métayers est abandonné vers 1941, mais les deux étages les plus hauts servent de séchoir à tabac jusqu’en 1947, date à laquelle la toiture s’ouvre.
La municipalité de Bassanne rachète le moulin pour le sauver d’une ruine imminente, une association des Amis du Moulin de Piis se constitue en 1999. La première visite guidée à l’attention d’une société savante bordelaise s’est déroulée le 13 mars 2002 par « beau temps ». Les jeunes lycéens du collège Paul Esquinance, de La Réole, leur emboîtaient le pas une semaine plus tard.
Le toit de la tour a été reposé le 16 juin 2002 » Journée des moulins « .
Sources
- Léo DROUYN, La Guyenne Militaire 1865.
- GUILLON, Les Châteaux en Gironde, historique sur le moulin de Piis 1866.
- Alexandre DUCOURNEAU, La Guyenne Monumentale, historique sur la famille de Piis.
- Pierre COUDROY de LILLE, notes historiques sur le moulin de Piis, inventaire du patrimoine de la Gironde 2002.
- Mr LOUBEY maire de Bassanne, commune de Bassanne, Gironde projet de restauration du moulin fortifié de Piis, 2002.
Serge Camps
Site Internet : http://www.moulindepiis.fr/