Communiqué de la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins
Article 9 de la loi européenne de « restauration de la nature » encourageant la destruction du patrimoine hydraulique européen : des conséquences désastreuses pour l’homme et la nature
Un obstacle artificiel à détruire ? (chaussée de moulin) | Un obstacle naturel à conserver ? (barrage de castor) |
La Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins va introduire une action en justice en vue de faire annuler les dispositions de l’article 9 de la loi européenne controversée de « restauration de la nature ».
Cet article encourage la destruction des retenues d’eau en rivière, qualifiées « d’obstacles artificiels », afin de créer 25 000 kms de « rivières à écoulement libre ». Il s’agit là d’un copier-coller de la politique pratiquée en France ces 15 dernières années à l’origine de la destruction de plus de 10 000 retenues d’eau traditionnelles. Politique de destruction qui avait pourtant été sanctionnée par les Parlements français à l’occasion du vote de l’article 49 de la loi « climat résilience » (août 2021) en raison de ses conséquences désastreuses pour la préservation de nos eaux et des milieux qu’elles abritent.
A quoi correspondent ces « retenues d’eau » dont cet article 9 encourage la destruction ?
Ces retenues d’eau sont constituées des centaines de milliers de « chaussées » de moulins, digues d’étangs, petits seuils d’irrigation, qui jalonnent les rivières de France et d’Europe depuis la fin du Moyen-Age. Elles forment un patrimoine hydraulique commun à l’ensemble de nos pays et jouent un rôle clé dans le cycle de l’eau de nos vallées.
Quels sont leurs effets sur nos eaux et les milieux naturels ?
En élevant le niveau des eaux et en ralentissant les écoulements sur l’ensemble du réseau hydrographique européen, ces milliers de petites retenues contribuent à stocker nos eaux dans les nappes alluviales, atténuent les phénomènes de crue à l’aval des bassins versants et préservent des centaines de millions de m3 d’eau douce dans nos rivières à l’occasion des sècheresses estivales indispensables à la survie des milieux aquatiques.
Loin d’avoir « dénaturé » nos cours d’eau, ces centaines de milliers de petites retenues d’eau offrent tout au contraire une remarquable continuité historique et écologique avec ce qu’étaient nos rivières à leur état sauvage lorsque l’espèce castor occupait nombreuse les vallées d’Europe. La présence de petits barrages tout au long de nos rivières : de castors, de moulins ou d’étangs est admirablement adaptée à la saisonnalité marquée de notre climat où aux fortes pluies hivernales génératrices de crues, succède une pénurie estivale génératrice d’assecs.
La France pionnière de l’idéologie de destruction : plus de 10 000 retenues d’eau détruites à ce jour
D’après les données publiées par l’OFB (Office Français de la Biodiversité), plus de 10 000 de ces retenues traditionnelles ont été « partiellement » ou « totalement » détruites au cours de ces 15 dernières années en France, sur les mêmes présupposés idéologiques que ceux entourant la rédaction de cet article 9… Ces destructions massives de retenues d’eau ont pour effets documentés d’accentuer les pénuries d’eau par vidange des nappes alluviales, de provoquer l’assèchement de nos cours d’eau en saison estivale, et d’aggraver les risques liés aux crues à l’aval des bassins versants (les inondations de novembre dernier survenues dans le Pas-de-Calais se sont produites après que plus de 300 ouvrages aient été détruits « partiellement » ou « totalement » dans ce département bouleversant le régime des eaux traditionnels).
Une politique de destruction pourtant sanctionnée en France par les Parlements
Cette politique de destruction dont la France est pionnière, avait pourtant été sanctionnée par les Parlements français à l’occasion du vote d’un article 49 dans le cadre de la loi « climat – résilience » du 22 août 2021. La principale justification évoquée de la gauche à la droite de l’hémicycle à l’arrêt de ces destructions était précisément la nécessité de préserver et de réguler nos eaux, ce pour quoi ces ouvrages anciens ont en partie été créés. L’Europe n’aura malheureusement tenu aucun compte du retour d’expérience français et aura repris la dangereuse philosophie à l’origine de cet article.
L’homme « contre-nature » ?
Il est assez surprenant de constater que la Commission Européenne dans le document qu’elle publiait justifiant la nécessité de détruire ce patrimoine ancien pour créer des « rivières à écoulement libre », n’ignore pas l’existence du castor et de ses barrages. Etrangement, si les « obstacles artificiels », c’est-à-dire les petits barrages construits de main d’homme, méritent d’être détruits, tel n’est pas le cas des barrages de castors dont il est indiqué « qu’ils ne doivent pas être considérés comme des obstacles ». 2 poids, 2 mesures qui résume à lui seul la philosophie qui a présidé la rédaction de cet article par la Commission Européenne : l’exclusion de l’homme de la nature. Nous voilà donc sommés de détruire ce que nos ancêtres avaient patiemment aménagé et entretenu au fil des siècles pour la simple et bonne raison que cette œuvre humaine est « artificielle ». Peu importe finalement la réalité de ses effets positifs sur la régulation et la préservation de nos eaux et des milieux qu’elles abritent.
La science et la culture européenne sont les premières victimes de cet article, l’homme, les milieux naturels et nos ressources en eau en seront par ricoché les secondes à l’image de ce que nous constatons en France.
Pour aller plus loin :
- Documents:
Synthèse au sujet de la politique de destruction des retenues d’eau et bibliographie
Avis de 5 scientifiques français spécialistes des eaux : octobre 2023
- Films:
- Sur les conséquences de la destruction des seuils de moulins:
- entretiens de M. Panneau président de société de pêche (4 et 7 mn)
- entretien de M. Loiseau président de société de pêche (4 mn)
- entretien de M. Pierre Potherat géologue (20 mn)
- Interventions des parlementaires français dans l’hémicycle justifiant le vote de l’article 49 et l’arrêt de la destruction des moulins
- Sur le lien entre destruction des retenues et aggravation des assecs et des crues:
- conférence de M. Pierre Potherat.(40’)
- Sur la politique de destruction des seuils de moulins et ses effets:
- conférence de M. Pierre Meyneng (30’)
- Sur la philosophie actuellement à l’œuvre en matière écologique:
- entretien de M. Christian Lévêque hydrobiologiste (35’)